L'envers du globe

Benaouda Abdeddaïm, éditorialiste international à BFM Business, vous propose un regard décentré sur l’actualité mondiale.

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Par Benaouda Abdeddaïm
20 nov. · 3 mn à lire
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L'envers du globe

Je suis Benaouda Abdeddaïm, éditorialiste international à BFM Business. Je vous propose un regard décentré sur l’actualité mondiale : un choix d’événements négligés, où s’imbriquent économie et géopolitique dans des enjeux décisifs. Abonnez vous pour une perspective sans a priori et explorez ainsi des faits qui éclairent le monde autrement.

| SOMMAIRE

  • MOUVEMENTS DE FOND
    L’insolente domination des semi-conducteurs de Taïwan face aux récriminations du prochain président des Etats-Unis

  • REPERES STRATEGIQUES 
    - Sauver le Conseil de l’Arctique
    - Fortifications aux frontières polonaises
    - Pérou, tête de pont de l’armement sud-coréen

  • LECTURES PARTICULIERES
    - La relance économique mal-aimée du PC chinois
    - L’or illégal d’Amazonie
    - Raffinage national au Nigeria

| MOUVEMENTS DE FOND

Puces taïwanaises dans le prochain viseur américain

“Donald Trump a déjà planté de nombreuses graines indiquant qu’il n’avait pas l’intention d’aider Taïwan”

Yen Chen-shen, chercheur à l’Institut des relations internationales de la NCUU (Taïwan). Source : CNA

Trump vs TSMC : Les Taïwanais, bien trop dominants dans les puces électroniques au goût du président élu des Etats-Unis, tentent des manœuvres d’apaisement. A deux reprises au cours de sa campagne, Donald Trump a accusé Taïwan de "voler" l’industrie américaine des semi-conducteurs - sans préciser à quelle hauteur. Son propos vise à imposer des droits de douane sur la production taïwanaise, dont celle de TSMC - la plus stratégique au monde. Les analystes se perdent en conjectures quant aux modalités. Ceux de la banque américaine Citi préviennent : de telles barrières douanières nécessiteraient des audits complexes sur des milliers d’appareils.       

Contourner : Qu’à cela ne tienne, considère un expert à Taipei de cette industrie, qui précise que le n°1 taïwanais écoule ses marchandises auprès de ses clients américains non pas sur le territoire des Etats-Unis, mais là où leurs sous-traitants assemblent. Et puis, s’il le faut, il y a à présent moyen de renforcer les lignes de production de TSMC implantées au Japon, afin de servir le marché américain et contourner, de la sorte, ces éventuels droits de douane punitifs.

Contre-la-montre : Avant que l’administration Trump II ne s’installe, celle sortante de Joe Biden accélère le pas : l’enveloppe de 6,6 milliards de dollars de subventions octroyée à TSMC pour son complexe en Arizona est finalisée. La rumeur - démentie depuis - a même circulé que Donald Trump assisterait à une cérémonie d’inauguration le 6 décembre. La perspective, dans son entourage, demeure celle d’une remise en cause du financement public américain.

Embargo : Ce nouveau pouvoir à Washington ne manquera pas d’exiger aussi des éclaircissements aux Taïwanais quant à leur positionnement exact dans des livraisons de puces TSMC de 7 nm à au moins deux fabricants chinois, SMIC et CXMT, qui auraient violé ensuite l’embargo américain visant l’équipementier technologique chinois Huawei. Des spécialistes aux Etats-Unis se montrent particulièrement sceptiques sur la thèse d’un TSMC qui n’aurait vraiment rien saisi du stratagème (cf une enquête du bureau californien de recherche Semianalysis, sortie fin octobre).

Armements : Pourtant, le gouverneur de la banque centrale à Taipei, Yang Chin-lung, veut croire que tout rentrera bientôt dans l’ordre, dès lors, a-t-il déclaré, que "les Etats-Unis ont besoin des produits" taïwanais. Et à toutes fins utiles, le Premier ministre, Cho Jung-tai, promet de "nouveau moyens de coopération" avec la future administration Trump… Cela passera certainement moins par le secteur des semi-conducteurs que par celui de la défense. Au sein du principal institut gouvernemental de recherche stratégique à Taipei, on corrobore une évaluation globale de commandes d’armements lourds américains à 15 milliards de dollars.        

| REPERES STRATEGIQUES

L’entente arctique à sauver

Données russes : La guerre en Ukraine a suspendu les échanges scientifiques avec la Russie depuis près de trois ans. Dans la publication norvégienne Barents Observer, des chercheurs nord-européens expriment leur préoccupation quant à un défaut d’accès aux données en provenance de la partie russe de l’Arctique, la zone au monde qui se réchauffe le plus rapidement.

Irremplaçable : "Un énorme problème", pour Monica Winsborrow, de l’Université de l’Arctique de Norvège, puisque la Russie couvre la moitié de cette région entourant le pôle Nord. La cheffe de la diplomatie norvégienne, qui assure actuellement la présidence du Conseil de l’Arctique, espère encore maintenir en vie cette "irremplaçable" instance de coopération.    

Bouclier polonais à l’Est

Rassurer les propriétaires : Le "Bouclier oriental" de la Pologne va être construit principalement sur des terrains appartenant à l’Etat. Un vice-ministre de la Défense assure qu’il n’existe aucun projet d’expropriations "à grande échelle".

Fortifications : L’Etat polonais a entamé les travaux sur 210 kilomètres, le long de la frontière avec l’enclave russe de Kaliningrad. Un budget de 2,3 milliards d’euros est consacré à bâtir en quatre ans un système de fortifications aux frontières avec la Russie et la Biélorussie.

Armement sud-coréen au Pérou

Signatures en série : Des partenariats d’armement entre la Corée du Sud et le Pérou. En marge du sommet de l’APEC à Lima, Hyundai Rotem a conclu un accord pour des véhicules blindés. Korea Aerospace fait état d’un protocole d’entente en vue d’une commande d’avions de combat. HD Hyundai vise, pour sa part, un développement conjoint de sous-marins…

Tête de pont : L’agence de presse Yonhap à Séoul explique que ces industriels sud-coréens de défense entendent faire du Pérou leur "tête de pont" en Amérique latine.

| LECTURES PARTICULIERES

Influence insoupçonnée en Chine

La relance, le PCC n’aime pas : La relance économique est perçue en Chine comme un "poison pour étancher la soif", selon Xu Gao, économiste en chef de la Bank of China International. Dans un texte iconoclaste, il attribue cette réticence à l’influence d’un théoricien de la pensée libérale, Friedrich Hayek, sur la doctrine du Parti communiste chinois.

Réformes possibles : Pour Xu Gao, qui enseigne aussi à l’Ecole nationale de développement de l’Université de Pékin, négliger la relance quand elle est nécessaire est aussi "malavisé" que de l'appliquer lorsqu’elle ne l'est pas. Il maintient que le soutien budgétaire ne freine pas, en soi, les réformes structurelles.

L’or sale d’Amazonie 

Plan d’action : Chiffre d’affaires annuel de l’extraction aurifère illégale en Amérique latine : 7 milliards de dollars. L’institut brésilien Igarapé propose de fixer sept domaines prioritaires afin de combattre ce fléau en Amazonie : du traitement de la contamination des cours d’eau par le mercure jusqu’à la certification d’une production "responsable".

Outils actifs : D’après Melina Risso et ses co-auteurs, une combinaison d’instruments existants de surveillance de l’OCDE et de l’ONU permettrait de préserver des zones de risque grave pour la biodiversité.

Raffinage au Nigeria

Autonomie en carburant : Avec une capacité de 650 000 barils-jours, la méga-raffinerie de l’industriel nigérian Aliko Dangote, opérationnelle à Lagos depuis septembre, se révèle parmi les plus productives au monde. Le centre saoudien de recherche énergétique KAPSARC (Riyad) a fait tourner un modèle interne : il en ressort trois scénarios prometteurs quant aux marges de raffinage de cette infrastructure nigériane.

Economies en vue : L’expert Evar Umeozor constate ainsi que le diesel produit a déjà fait chuter les prix de détail d’environ 45 % dans le pays.

Quels thèmes, quelles zones géographiques vous intéresseraient dans cette lettre ? Comment percevez-vous l’approche taïwanaise dans le dossier TSMC avant la présidence Trump ? Sur ce sujet et les autres, vos réactions sont les bienvenues…

A jeudi prochain. 

Benaouda Abdeddaïm